Mise en place du régime de contrôle des micro-pratiques anticoncurrentielles

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par Gaëlle TOUSSAINT-DAVID, Avocat, Simon Associés
Le système de contrôle des micro-pratiques anticoncurrentielles (désormais couramment dénommées « micro-PAC ») constitue une innovation de l’ordonnance du 13 décembre 2008 (art. L. 464-9 du code de commerce). Sa mise en place ne nécessitait plus que la publication d’un décret en Conseil d’Etat et c’est désormais chose faite avec le décret n°2009-140 du 10 février 2009.
Peu de sujets relevant du droit de la concurrence ont été plus controversés que celui du traitement des micro-PAC. En effet, le Conseil de la concurrence lui-même avait rejoint les critiques formulées par les praticiens et la doctrine, en rendant un avis défavorable au contrôle des micro-PAC dans sa forme actuelle (avis n°08-A-05).

Il convient tout d’abord de préciser les pratiques relevant des micro-PAC (1), avant d’en déterminer les modalités de contrôle et de sanction (2).

1 – La détermination des pratiques relevant du régime des micro-PAC

a – La notion de micro-PAC

L’article L. 464-9 du code de commerce contient les dispositions relatives aux micro-PAC mais aucune définition de ces dernières n’y est fournie. En résumé, les micro-PAC sont des pratiques anticoncurrentielles (ententes, abus de position dominante et/ou prix abusivement bas) commises par des PME, affectant un marché de dimension exclusivement locale. En outre, pour relever du régime des micro-PAC, les pratiques anticoncurrentielles concernées ne doivent pas entrer dans le champ d’application des dispositions du droit communautaire.

b – Les seuils de chiffres d’affaires

Les auteurs des pratiques sanctionnées au titre des micro-PAC sont en principe exclusivement des PME. Différents seuils de chiffres d’affaires ont dès lors été déterminés afin de limiter le champ d’application de la procédure de micro-PAC à ces seules PME. Ainsi, d’une part, le chiffre d’affaires réalisé en France par chaque entreprise concernée, prise individuellement, ne doit pas dépasser 50 millions d’euros. D’autre part, les chiffres d’affaires cumulés de l’ensemble des entreprises concernées, prises collectivement, ne doivent pas dépasser 100 millions d’euros. Pour le calcul des chiffres d’affaires, la période de référence est le dernier exercice clos.

2 – Le contrôle et la sanction des micro-PAC par le ministre chargé de l’économie

a – L’attribution de la procédure de contrôle des micro-PAC au ministre de l’économie

De manière assez contestable, il faut le dire, la procédure de contrôle est confiée au ministre chargé de l’économie alors que la LME s’était précisément attachée à regrouper entre les mains d’une seule autorité – l’Autorité de la concurrence – des pouvoirs précédemment répartis entre le Conseil de la concurrence, le ministre de l’économie et la D.G.C.C.R.F.. Une exception à la compétence du ministre de l’économie a néanmoins été prévue, laquelle pourrait d’ailleurs vider en pratique l’action du ministre de sa substance. En effet, dès lors que l’Autorité de la concurrence a été saisie (soit par une entreprise, soit par l’un des organismes énumérés limitativement à l’article L. 462-1 alinéa 2), le ministre de l’économie est alors privé de ses pouvoirs de contrôle et de sanction.

b – Les pouvoirs accordés au ministre de l’économie.

Dans l’hypothèse où le ministre de l’économie est compétent pour connaître des micro-PAC, la procédure s’articule autour de cinq phases principales.

Phase 1 – L’information des entreprises concernées : Par l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception, accompagnée d’un rapport d’enquête, le ministre de l’économie informe les entreprises soupçonnées de pratiques anticoncurrentielles des faits qui leur sont reprochés.

Dès ce stade de la procédure, les entreprises sont informées des mesures envisagées à leur égard : une injonction et/ou une somme à verser au Trésor public à titre de transaction.

Phase 2 – La formulation d’observations par les entreprises : Les entreprises concernées sont alors invitées, après avoir éventuellement consulté le dossier détenu par l’Administration à leur encontre, à formuler des observations écrites (auxquelles peuvent s’ajouter des observations orales). Elles sont autorisées à se faire assister de leur Conseil. Ces observations doivent être formulées dans un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre du ministre (adressée en phase 1). Ce délai peut être porté à quatre mois à la demande des entreprises mises en cause.

Phase 3 – La décision du ministre de l’économie : Par l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception, le ministre informe chaque entreprise de la décision prise à son encontre.

Le ministre peut en effet choisir soit de classer l’affaire, soit d’enjoindre aux entreprises de prendre des mesures de nature à mettre fin aux pratiques et/ou de leur indiquer la somme à verser à titre transactionnel, étant précisé que le montant de la transaction ne peut dépasser 75 000 euros (ou 5 % du dernier chiffre d’affaires réalisé en France par l’entreprise en cause si cette valeur est inférieure à 75 000 euros).

Phase 4 – L’acceptation ou le refus des sanctions par l’entreprise mise en cause : A réception de la décision du ministre, l’entreprise dispose d’un délai d’un mois pour prendre position sur celle-ci.

Elle peut soit accepter la décision du ministre en la contresignant (dans ce cas, l’exécution par l’entreprise de l’ensemble des sanctions prévues par le ministre de l’économie éteint toute action devant l’Autorité de la concurrence pour les mêmes faits), soit refuser la décision (le défaut de réponse dans le délai d’un mois étant considéré comme un refus). Il est à noter que, dans le cadre de la sanction, le sort de chaque entreprise est indépendant. Ainsi, l’acceptation ou le refus de la décision du ministre par une entreprise n’a aucun effet sur la situation des autres entreprises ayant fait l’objet de la même procédure.

Phase 5 – En cas de refus ou d’inexécution de la décision : En cas de refus de l’entreprise de transiger selon les termes proposés par le ministre de l’économie, ou encore en cas de refus d’exécuter son injonction, le décret prévoit une saisine de l’Autorité de la concurrence par le ministre de l’économie.

En conclusion, le dispositif final de contrôle des micro-PAC, tel qu’il ressort du décret du 10 février 2009, n’a pas apaisé les craintes exprimées par les praticiens et la doctrine. En effet, la procédure mise en place semble à ce jour peu protectrice non seulement des droits des entreprises mises en causes, mais également de ceux des victimes des pratiques anticoncurrentielles. D’une part, la procédure de contrôle des micro-PAC accorde une protection limitée aux auteurs des pratiques (à titre d’exemple, on notera que la décision du ministre ne fait l’objet d’aucune homologation par l’Autorité de la concurrence, qu’aucun délai n’est imposé à l’heure actuelle au ministre pour rendre sa décision, et enfin qu’à ce jour, aucun recours n’est prévu à l’encontre de la décision du ministre). D’autre part, les victimes des pratiques anticoncurrentielles ne sont pas impliquées dans la procédure de transaction et ne sont donc pas en mesure de faire valoir leurs observations auprès du ministre de l’économie. Par ailleurs, le respect de la décision du ministre de l’économie mettant fin à toute action à l’encontre de l’auteur des pratiques devant l’Autorité de la concurrence, la victime des micro-PAC est privée de tout recours administratif. En outre, alors qu’en règle générale la victime peut utiliser une décision de l’Autorité de la concurrence à l’appui d’une action en dommages et intérêts devant les juridictions judiciaires, l’absence de publicité des décisions du ministre limite considérablement les chances de la victime de prouver l’existence d’une pratique anticoncurrentielle et, en conséquence, d’obtenir réparation du préjudice qu’elle subit du fait de cette pratique.

Par ailleurs, de nombreuses questions relatives à la mise en application de la procédure restent en suspens et, la publicité des décisions du ministre n’étant pas prévue, les entreprises et leurs Conseils ne peuvent espérer s’appuyer sur les précisions procédurales que pourraient apporter les précédents.

Dès lors, en considération des caractéristiques du nouveau dispositif, il est fort à parier qu’une partie des entreprises mises en cause choisira de refuser la décision du ministre, afin de poursuivre la procédure devant l’Autorité de la concurrence, dont les règles procédurales pourraient s’avérer plus protectrices de leurs droits.


Gaëlle TOUSSAINT-DAVID
SIMON ASSOCIÉS
Avocat au Barreau de Paris

http://www.simonassocies.com/