Le dépôt de bilan

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Le dépôt de bilan désigne, dans le langage courant, la déclaration de cessation des paiements que doit faire tout entrepreneur lorsqu’il n’est plus en mesure de payer les dettes de l’entreprise. Il obéit à des règles précises et correspond à une situation grave pour l’entreprise qui, dans la plupart des cas, aboutira à la liquidation.

Qu’est-ce que la cessation des paiements ? Quelles sont les conséquences du dépôt de bilan ? Quand faut-il l’effectuer et que risque-t-on à retarder l’échéance ? Comment accomplir cette démarche ?  Y a-t-il des solutions

1 – Qu’est ce que la cessation des paiements ?

Le dépôt de bilan intervient lorsque l’entreprise, étant « dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements » (articles L. 631-1 et L. 640-1 du Code de commerce).

Le passif exigible se compose des dettes dont les créanciers peuvent exiger immédiatement le paiement. Ces dettes doivent être certaines (non litigieuses) et liquides (au montant déterminé) : factures arrivées à échéance, salaires à verser, etc.

L’actif disponible est constitué de tout ce qui peut être transformé en liquidités immédiatement ou à très court terme sans rendre impossible la poursuite de l’entreprise. Ce sont, par exemple, les biens non indispensables à l’activité et pouvant être vendus rapidement ou les créances clients arrivant à terme.
La Cour de cassation a ainsi précisé que le prix d’acquisition du fonds de commerce, le montant des travaux réalisés dans les lieux ou la valeur du stock de marchandises ne peuvent être pris en compte (Com. 17 mai 1989). De même, l’actif d’une société constitué de deux immeubles non encore vendus n’est pas considéré comme disponible (Com. 27 fév. 2007), pas plus qu’un terrain à exproprier (Com. 25 nov. 1997).

Il est parfois délicat de savoir si l’entreprise est ou non en état de cessation des paiements. La jurisprudence a pu dégager les éléments suivants :

  • l’état de cessation des paiements ne se déduit pas de la seule constatation d’un résultat déficitaire (Com. 3 nov. 1992) ou d’une perte d’exploitation et du non-paiement des salaires (Com. 9 janv. 1996) ;
  • la notion de cessation des paiements ne doit pas être confondue avec celle de « situation irrémédiablement compromise » visée à l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier (Com. 31 mars 2004) ;
  • il n’y a cessation des paiements que si le débiteur est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible, c’est-à-dire échu, avec son actif disponible (T. com. Lille, 5 mai 1987).

2 – Quelles sont les conséquences d’un dépôt de bilan ?

Le dépôt du bilan donne lieu à l’ouverture d’une procédure collective qui place le fonctionnement de l’entreprise sous contrôle judiciaire. Elle a pour conséquence de priver les créanciers du droit d’agir individuellement.
Selon les chances de survie de l’entreprise sera ouverte une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

L’article L. 631-1 du Code de commerce précise que « la procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ».
En revanche, la procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l’activité de l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens (article 640-1 du Code de commerce). Elle concerne l’entreprise en cessation de paiement et dont le redressement est manifestement impossible (même article).
Un redressement judiciaire peut évoluer en liquidation judiciaire si de nouvelles perspectives l’exigent.

3 – Quand faut-il déposer le bilan ? Que risque-t-on à ne pas le faire ?

Attention : Le bilan de doit pas être déposé si l’entreprise n’est pas en état de cessation de paiement. Le débiteur engage sinon sa responsabilité à l’égard du mandataire judiciaire qui a exposé inutilement des frais (Cour d’appel de Grenoble, 23 oct. 2002). La cessation des paiements est bien distincte du refus de paiement et doit être prouvée par celui qui dépose le bilan (Com. 27 avr. 1993).
Si l’entreprise présente des difficultés mais n’est pas dans la situation d’un dépôt de bilan, elle peut envisager des solutions alternatives (voir infra).

Le dépôt de bilan doit intervenir au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiements (articles L. 631-4 et L. 640-4 du Code de commerce). Cependant, l’entreprise peut, dans ce délai, demander l’ouverture d’une procédure de conciliation (voir infra), auquel cas elle n’a pas à déposer le bilan.  Si la conciliation échoue et qu’il ressort du rapport que le débiteur est en cessation des paiements, le tribunal statue d’office sur l’ouverture d’une procédure collective (mêmes articles).

Il est très important de déposer le bilan dans le délai prévu par la loi. Les risques encourus sont lourds en termes de responsabilité et de sanctions.

Du point de vue de la responsabilité, les dirigeants peuvent être condamnés à combler l’insuffisance d’actif. En effet, la faute de gestion visée à l’article L. 651-2 du Code de commerce peut être caractérisée par le retard dans le dépôt du bilan, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (8 déc. 1998, 8 oct. 1996, 28 mai 1991, etc).

Attention : cette action en responsabilité doit être distinguée de l’obligation aux dettes sociales, plus large et sans condition d’insuffisance d’actif, prévue à l’article L. 652-1 du Code de commerce. Cette dernière s’applique, notamment, au dirigeant qui a « poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale ».

Du point de vue des sanctions, le dirigeant « qui aura omis de faire, dans le délai de quarante-cinq jours, la déclaration de cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation » peut être condamné  à « l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci » (article L. 653-8 du Code de commerce).

La faillite personnelle, qui emporte d’emblée l’ensemble de ces interdictions, peut même  être prononcée à l’encontre de celui qui a « fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds » dans l’intention d’éviter ou de retarder le dépôt du bilan (article L. 653-5 du Code de commerce).

4 – Comment déposer le bilan ?

L’article R. 631-1 du Code de commerce précise les modalités du dépôt de bilan.

Il est effectué par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne physique au greffe du tribunal compétent (tribunal de commerce pour les commerçants et artisans, tribunal de grande instance dans les autres cas).

Les pièces à déposer comprennent essentiellement :

– la déclaration de cessation des paiements ainsi que l’état du passif exigible et de l’actif disponible ;
– les comptes annuels du dernier exercice ;
– un extrait d’immatriculation au RCS ou au registre des métiers ;
– une  situation de trésorerie datant de moins d’un mois ;
– le nom et l’adresse des salariés ;
– le montant du chiffre d’affaires à la date de clôture du dernier exercice comptable ;
– l’état chiffré des créances et des dettes ;
– l’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan ;
– l’inventaire sommaire des biens du débiteur.

Lorsque certains documents ne peuvent être fournis, la demande doit indiquer les motifs qui empêchent cette production.

5 – Y a-t-il des solutions alternatives au dépôt de bilan en cas de difficultés ?

Avant d’être en situation de déposer le bilan, l’entreprise qui éprouve des difficultés sérieuses peut recourir au mandat ad hoc ou à la procédure de sauvegarde. Même si elle est déjà en cessation des paiements, elle peut encore, dans les 45 jours, ouvrir une procédure de conciliation.

La désignation d’un mandataire ad hoc, reconnue comme procédure autonome de prévention des difficultés des entreprises, se caractérise par sa souplesse et sa confidentialité. Le mandataire a pour mission d’assister le dirigeant en vue de la survie de l’entreprise.
Attention : ce mécanisme ne saurait dispenser le dirigeant de procéder au dépôt de bilan si l’entreprise est en cessation des paiements. Il peut toujours être sanctionné pour ne pas l’avoir effectué (Com. 10 mai 2005).
L’article L. 620-1 du Code de commerce prévoit une procédure de sauvegarde conçue pour l’entreprise justifiant de difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter, de nature à la conduire à la cessation des paiements. Elle est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
Cette procédure s’adresse aux entreprises qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements. Néanmoins, s’il apparaît après son ouverture que le débiteur était déjà dans ce cas, le tribunal la convertit en procédure de redressement judiciaire (article L. 621-12 du Code de commerce).
La procédure de conciliation peut intervenir alors même que l’entreprise pourrait déposer le bilan. Elle s’adresse, en effet, aux  personnes qui « éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours » (article L. 611-4 du Code de commerce).
Un conciliateur est alors désigné avec pour mission de « favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise ». L’échec de la conciliation donne lieu à l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.