Grippe H1N1 : Que faire en cas de fermeture administrative d’un commerce ?

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Grippe-H1N1

Conséquences en droit du travail et recours possibles

Selon les prévisions les plus pessimistes, 30 % de la population française sera affectée cet hiver par le virus de la grippe H1N1. Dès lors, des mesures de police administrative propres à endiguer la propagation de la maladie peuvent être légitimement prises.
Théoriquement, rien n’empêche l’autorité administrative d’ordonner la fermeture d’un commerce : grands magasins dont la moitié des salariés serait contaminée, commerce de bouche dont tout le personnel aurait contracté la grippe H1N1 et dont les échoppes attenantes seraient également fermées pour cause de maladie, etc.
Si l’intérêt général est ici bien évidemment compris, qu’en est-il des conséquences en droit du travail et quels sont les recours de l’entrepreneur contraint de fermer son établissement et de subir une perte de chiffre d’affaires ?

Le Plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale »

Face au risque estimé important de pandémie grippale, le gouvernement a adopté un « Plan national ». Pour mémoire, la grippe est une infection respiratoire aiguë, contagieuse, d’origine virale. Une épidémie saisonnière hivernale peut toucher 5 à 15 % de la population. Une pandémie grippale est caractérisée, quant à elle, par l’apparition d’un nouveau virus grippal contre lequel l’immunité de la population est faible ou nulle. Elle se traduit, sur l’ensemble du globe, par une forte augmentation dans l’espace et le temps des cas et de leur gravité.

Le plan « Pandémie grippale » a pour vocation de prévenir certains risques pesant sur la société et la vie économique, considérant qu’une pandémie pourrait provoquer durablement :

  • « une désorganisation du système de santé en raison de la saturation rapide des services de soins ;
  • des difficultés graves pour certains secteurs d’activités d’importance vitale ou d’autres services essentiels au fonctionnement de la société et de l’État en période de pandémie ;
  • une désorganisation de la vie sociale et économique ».

Dans ce cadre, il convient d’adopter des mesures (dont l’opportunité est à examiner au cas par cas) visant à organiser la continuité de l’action de l’État et de la vie sociale et économique, ainsi qu’à assurer l’ordre public et le respect de la loi. Il s’agit, notamment, de :

  • maintenir « à un niveau acceptable des activités d’importance vitale […] pour la sécurité et la vie de la population (tel l’approvisionnement alimentaire), en s’appuyant sur les collectivités territoriales et en se fondant sur une organisation particulière (relèves préservées, travail à distance) […] » ;
  • maintenir « au plus haut niveau possible, des activités économiques, tous secteurs confondus, tout en assurant la protection de la santé des employés » ;
  • « ralentir, dès lors que la maladie s’étend autant que possible, son extension géographique à l’intérieur du pays ».

La protection de l’ordre public face à la liberté du commerce et de l’industrie

Il appartient aux autorités administratives d’assurer la police de l’ordre public, c’est-à-dire de garantir la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. Naturellement, les mesures prises pour assurer ces objectifs doivent être proportionnées aux buts à atteindre.

Ces pouvoirs de police peuvent être accrus en cas de circonstances exceptionnelles, et ce au nom de l’intérêt général, par exemple aux fins de lutte contre la propagation de certaines maladies. Le juge administratif a ainsi admis que cet accroissement pouvait exister même au détriment de la liberté dont la liberté du commerce et de l’industrie.

Par ailleurs, l’autorité de police doit toujours procéder à un examen préalable des situations et des données avant d’adopter une mesure contraignante. En effet, si la mesure a un impact sur une liberté fondamentale et, qu’en outre, elle est inadaptée aux circonstances particulière, d’une part, et excède de façon importante les nécessités du maintien de l’ordre, d’autre part, son exécution est constitutive d’une voie de fait.

En théorie rien n’empêche donc que l’autorité administrative ordonne la fermeture d’un commerce : grands magasins dont la moitié des salariés serait contaminée, commerce de bouche dont tout le personnel aurait contracté la grippe H1N1 et dont les échoppes attenantes seraient également fermées pour cause de maladie, etc. L’intérêt général ici recherché serait d’éviter la propagation de la maladie, contribuant ainsi au maintien de la salubrité publique. Ce ne sont là que deux hypothèses ni exhaustives, ni causes obligées d’une mesure de police administrative.

En outre, il demeure que même au nom de l’intérêt général et en cas de circonstances exceptionnelles, la mesure de police administrative entraînant la fermeture d’un établissement commercial peut engager la responsabilité de la puissance publique.

Conséquences en droit du travail

En l’absence de fermeture administrative du commerce, l’employeur doit garantir la santé des salariés. Il doit pour cela mettre en place un plan de continuité de l’activité de l’entreprise comprenant un ensemble de mesures de prévention (mesures d’hygiène collective, fourniture de masques…) et d’organisation du travail (identification des postes indispensables, aménagement du temps de travail, modalités de mise en œuvre du travail à distance…). Sous ces conditions, l’employeur ne peut voir sa responsabilité engagée en cas de contraction de la grippe H1N1 par l’un des salariés pas plus que ceux-ci ne peuvent faire valoir leur droit de retrait, faute d’un « danger grave et imminent » (article L. 4131-1 et suivants du Code du travail).

En cas de fermeture administrative du commerce et en l’état de la réglementation, l’employeur est tenu de continuer à verser le salaire des salariés même si ceux-ci ne poursuivent pas leur activité. Il ne peut en aucun cas les licencier, que ce soit pour motif personnel ou économique. Il ne peut pas plus invoquer un cas de force majeure pour rompre les contrats de travail, l’événement à l’origine de la cessation de l’activité – la décision administrative de fermeture – ne pouvant être considéré comme extérieur à l’entreprise. Néanmoins, le gouvernement réfléchit à la mise en place d’un dispositif spécial de chômage partiel pour faire face aux difficultés des TPE et PME contraintes de cesser leur activité en raison de la pandémie grippale. Les modalités de ce régime devraient être connues dans les prochaines semaines.

Rappelons enfin que, dans toutes les hypothèses, l’employeur ne peut licencier un salarié au motif qu’il aurait contracté la grippe H1N1. Une telle mesure, fondée sur l’état de santé, serait discriminatoire (article L. 1132-1 du Code du travail).

Recours du commerçant dont le commerce aurait été fermé

Le commerçant qui s’estime lésé par une mesure de fermeture peut toujours exercer un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Cependant, ce type de recours, s’il n’est pas assorti d’un référé, peut prendre plusieurs années et aboutir à une annulation de la décision contestée plusieurs mois, voire plusieurs années après son adoption.

Deux référés peuvent ici être effectués parallèlement à la demande d’annulation de la décision de fermeture de l’établissement :

  • référé-suspension, recevable uniquement en cas d’urgence, d’une part, et d’un doute sérieux, en l’état de l’instruction, quant à la légalité de la décision, d’autre part. Le juge des référés se prononce dans un délai variant de 48 heures à un mois ou plus en fonction de l’urgence. Attention, ce référé n’est, de plus, recevable que si la décision visée n’a pas été entièrement exécutée ;
  • référé-liberté fondamentale qui nécessite une action émanant d’une personne publique ayant entraîné une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale (telle celle du commerce et de l’industrie). Le juge se prononce dans ce cas dans un délai de 48 heures.

Reste la question des éventuels dommages et intérêts. Le commerçant qui souhaite en obtenir doit intenter une action en réparation sur le fondement de la « responsabilité sans faute de l’administration pour rupture de l’égalité devant les charges publiques ». Pour que cette action aboutisse, plusieurs conditions doivent être réunies :

  • le dommage ne doit pas avoir un caractère accidentel ;
  • le dommage doit être spécial (ne touchant que certains membres de la collectivité) et anormal (supérieur aux gênes ordinaires de la vie en société).

Cela dit, autant la jurisprudence a déjà reconnu un droit à réparation en cas de perte de clientèle importante et définitive, autant il semble peu probable que cette solution soit étendue en cas de fermeture ponctuelle d’un établissement n’entraînant pas de chute significative du chiffre d’affaires.