Le Small Business Act à la française – aspects marchés publics –

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Les marchés publics sont la voie d’approvisionnement normale de l’administration en travaux, fournitures et services. Cette définition schématique souligne l’une des vocations – certes indirecte – des marchés publics : contribuer à la satisfaction de l’intérêt général.
Le « bien commun » étant en cause, il est naturel que les hommes politiques se penchent sur le sort de ces contrats et en fassent un instrument d’exemplarité (ou d’expérimentation, selon les cas) des grandes orientations sociétales.
D’où les incitations à « acheter vert » et préserver ainsi l’environnement. D’où les discours soulignant les économies réalisées pour les finances publiques grâce au recours aux enchères électroniques. D’où également la demande dans le programme présidentiel de Nicolas Sarkozy, puis dans la lettre de mission qu’il a adressée à Christine Lagarde1, d’un « quota » de la commande publique réservé aux PME. Ces dernières étant de fortes créatrices d’emploi et d’innovation, l’accès aux marchés publics doit, en effet, leur être facilité. D’où, enfin, la mission confiée à Lionel Stoléru en août 2007 (dont le rapport a été remis début décembre) tendant à réfléchir à la problématique de l’accès des PME aux marchés publics2.

L’axiome : les PME ont une part insuffisante de la commande publique

Les marchés publics sont de naturels opportunités et débouchés commerciaux. Certes, le secteur privé a parfois des a priori et il arrive que les entrepreneurs se plaignent du vocabulaire spécifique de cette matière, aient l’impression d’une paperasserie inutile et dénoncent un formalisme jugé superfétatoire. Mais, globalement, passées ces inquiétudes, ils sont nombreux à vouloir vendre aux personnes publiques. Et cela concerne toutes les structures, quelle que soit leur taille.

Or, il semblerait que les PME accèdent moins facilement à la commande publique… Les raisons ? La première serait liée à l’absence de vastes services juridiques (souvent les PME ne possèdent même pas en propre de tels services). Ceux des grandes entreprises sont proportionnellement plus importants et disposent de davantage de facilité lors de la constitution des dossiers de candidature. En effet, réunir l’ensemble des documents nécessaires comporte un coût réel, en temps comme en argent, que les PME ne peuvent assumer au même titre que les sociétés plus grandes.

La ministre Christine Lagarde a même avancé début juillet 2007, lors d’un déplacement à Bruxelles, que « la part des PME dans les achats publics de l’État français n’a pas dépassé 21 % en 2006 ». La ministre n’a cependant ni précisé de quelles administrations elle parlait (uniquement celles centrales ? De l’ensemble des acheteurs publics ?) , ni indiqué les marchés concernés (ceux formalisés ? ceux atteignant les seuils européens ?) ni mentionné l’origine de ce chiffre… En fait, il semble que Christine Lagarde ait confondu les pourcentages. En effet, d’après une étude de OSEO3, 55 % des marchés de l’État ont été attribués en 2004 aux PME, ce qui représentent 21 % du montant de ces marchés.

La seconde raison repose sur des postulats subjectifs : les PME souffriraient – là aussi du fait de leur manque de département dédié aux marchés publics – d’un défaut d’information : Comment connaître les attentes des personnes publiques ? Où s’informer sur les contrats à venir ? En outre, elles redouteraient davantage de devenir dépendantes de l’acheteur administratif.

Le constat est donc le suivant : Le principe d’égal accès aux marchés publics, s’il est théoriquement affirmé, n’est nullement avéré en pratique. Comme les PME sont de formidables viviers de création d’emploi et d’innovation, que les marchés publics les conforteraient dans leur développement, il convient de leur en favoriser l’accès.

Pourtant, ce constat est mis à mal par différentes études. C’est ainsi que l’INSEE a établit que, lorsqu’elles achètent des prestations de services, les administrations (État, collectivités locales, hôpitaux) s’adressent autant à des PME qu’à des grandes entreprises4.

En réalité, il serait plus exact de dire que les marchés de fort montant sont plus souvent emportés par les grandes structures et que les PME contractent davantage avec les autorités locales et/ou dans le cadre de marchés de faible importance. Une étude commandée par la Commission européenne va d’ailleurs en ce sens : la valeur médiane des marchés emportés par les PME est de 249 000 euros, tandis que celle des grandes entreprises est de 453 000 euros. En outre, dans la mesure où les marchés les plus petits émanent en général des autorités locales, ce sont les PME qui contractent le plus avec ces dernières5.

Lionel Stoléru le rappelle d’ailleurs bien dans son rapport en citant en annexe les données publiées par l’Observatoire économique de l’achat public, selon lequel 28% du montant des marchés de l’État (68% du nombre) et 54% du montant de ceux des collectivités locales (76% du nombre) sont conclus par des PME.

Définition du Small Business Act

Le Small Business Act (SBA) est une loi étasunienne sur les PME. Votée en en 1953 par le Congrès, elle créé une agence chargée spécifiquement de soutenir ces entreprises (la Small Business Administration) et détermine pour elles quatre priorités :

  • la défense des PME ;
  • la formation, le conseil et l’assistance technique ;
  • les aides au financement ;
  • l’accès aux marchés publics.

Le SBA oblige les administrations fédérales à réserver une part de leurs achats aux PME ainsi qu’à certaines catégories d’entreprises. Plus précisément, il s’agit de conclure, d’une part, directement 23 % des marchés avec des PME et, d’autre part, directement ou en sous-traitance, 5 % avec des entreprises dirigées par des femmes, 5 % avec des entreprises considérées comme défavorisées économiquement et socialement, 3 % avec des entreprises situées en zones géographiques sous-développées et, enfin, 3 % avec des entreprises d’anciens combattants.

De telles discriminations positives sont impossibles en l’état actuel des droits français et communautaire. En effet, cela contreviendrait au principe d’égal accès à la commande publique… En outre, elles impliqueraient un amendement de l’AMP (accord plurilatéral sur les marchés publics existant dans le cadre de l’OMC) permettant que les PME européennes soient exemptées de son champ d’application, à l’instar des PME américaines qui ont été exclues de l’Accord lors de la précédente négociation. L’AMP est d’ailleurs en cours de renégociation.

Toutefois, la France n’a pas réussi à rallier l’ensemble de ses partenaires européens à sa demande d’extension de l’exemption aux PME communautaires. Le dossier a été retiré de l’ordre du jour de la réunion au cours de laquelle devait être arrêtée la position de l’Union avant les négociations à l’OMC… Les positions françaises n’étaient d’ailleurs soutenues que par un tiers des États membres ; un autre tiers étant franchement contre (ainsi que cela ressort des discussions qui se sont déroulées à Bruxelles à la mi-septembre). En revanche, le Commissaire européen Charlie McCreevy souhaite – toujours au nom de l’égalité d’accès – que l’exemption des quatre États soit supprimée.

En fait, Charlie McCreevy, souhaite plutôt proposer à l’OMC la suppression de l’exception dont bénéficient les États-Unis, le Canada, le Japon et la Corée du Sud au lieu de l’étendre à d’autres États. Il n’est pas certain que ceux qui en sont actuellement bénéficiaires acceptent cette proposition… Enfin, Charlie McCreevy a demandé l’étude d’une modification de la réglementation communautaire en vue de faciliter, de fait, l’accès des PME aux marchés publics.

Le SBA à la française

Le 12 février 2007, le Conseil des ministres européen à adopté une position commune déclarant que « l’accès effectif des PME aux marchés publics revêt une importance cruciale ».

Dans sa lettre de mission en date du 11 juillet 2007 à Christine Lagarde, Nicolas Sarkozy lui demande de préparer un « Small Business Act à la française qui comprendra la réservation d’une part de marchés publics aux PME, en particulier aux PME innovantes ».

Deux jours avant (le 9 juillet), le Conseil d’État avait annulé plusieurs dispositions du Code des marchés publics français, notamment celle prévoyant la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de fixer un nombre minimal de PME admises à présenter une offre. Cette disposition a été jugée discriminatoire. En outre, dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement a mentionné différentes données statistiques faisant apparaître que les PME accèderaient aux marchés publics à un niveau bien supérieur à celui des 23 % qu’impose le SBA américain.

C’est dans ce contexte que, en août dernier, l’ancien ministre Lionel Stoleru a été chargé d’une réflexion relative aux PME. En particulier il s’agissait  de procéder à une analyse des « régimes préférentiels » mis en place dans certains États.

A noter que quand bien même un amendement à cet Accord serait obtenu, il faudrait encore qu’il soit transposé dans les directives européennes puis intégré au Code des marchés publics français. Terminus ad quem inconnu…

Dans ces conditions, il semble difficile d’espérer de sitôt la mise en place de quotas réservés. En revanche, d’autres actions peuvent utilement accompagner les PME dans leur volonté de répondre aux marchés publics :

  • lutter contre la fracture numérique entre les grandes structures et les plus petites, ces dernières disposant souvent de versions et d’équipements plus anciens, de logiciels sécuritaires insuffisants et de modes de connexion plus lents ;
  • rédiger de véritables « modes d’emploi » téléchargeables sur le portail des marchés publics et expliquant, étape par étape, comment remplir les formulaires accompagnant la candidature ;
  • mieux former les entreprises dans leur contractualisation avec les acheteurs publics. Cela signifie, par exemple, la mise en place de missions (confiées, par exemple, aux organismes consulaires) de sensibilisation à l’appropriation possible de marchés extra-nationaux et la meilleure connaissance des personnes publiques.

Les propositions du rapport Stoléru :

Sans entrer dans un inventaire à la Prévert de ce rapport, certaines propositions du rapport méritent d’être citées :

  • les intentions d’extension de l’exemption dont bénéficient les PME étasuniennes de « faciles pour les discours et populaires » doivent être repoussées. Lionel Stoléru préconise plutôt un relèvement du seuil d’application de l’AMP pour le porter à 211 000 euros (137 000 actuellement), estimant que, de facto, les PME en seraient ainsi préservées car elles contractent rarement les marchés d’un montant supérieur à 200 000 euros ;
  • la France doit, à l’occasion de sa présidence de l’Union européenne au second semestre 2008, soumettre l’adoption d’un SBA européen à ses partenaires. Dans cette optique, Lionel Stoléru suggère la nomination d’un chef de projet « SBA européen » en charge de la préparation d’une directive englobant toutes les mesures favorables aux PME ;
  • les PME innovantes doivent faire l’objet d’actions volontaristes en leur faveur prenant la forme d’une réservation dans les « petits marchés publics » (les MAPA) d’une part de 15 %. En outre, au sein même de ces petits marchés seuls certains seraient concernés : ceux de haute technologie (défense, santé, énergie, éco-activités, transports, TIC…). Lionel Stoléru précise que le pourcentage de 15 % ne doit être regardé que comme une moyenne ;
  • le rapport définit les PME innovantes ainsi : entreprises ayant 10 % de leur chiffres d’affaires ou de leur personnel dans la recherche-développement ;
  • il est souhaitable de : généraliser la dématérialisation sur internet des appels d’offre, supprimer les enchères électroniques, supprimer la double enveloppe dans les procédures d’appel d’offres, instaurer la gratuité e la signature électronique, faire de la part d’exécution du contrat que le candidat s’engage à confier à des PME l’un des critères d’attribution des marchés ;
  • un « réseau France-PME » doit être constitué avec Oséo comme tête de réseau et l’ensemble des 26 régions et du réseau consulaire comme agent de réseau. Le Premier ministre devrait les réunir pour constituer ce réseau, contractualiser une convention financière avec Oséo et organiser le lien avec le réseau des experts-comptables en remboursant aux PME la moitié du service proposé par ces experts-comptables.

1. « Vous préparerez l’adoption d’un Small Business Act à la française qui comprendra les mesures suivantes : réservation d’une part de marchés publics aux PME, en particulier aux PME innovantes […] », Lettre de mission du Président de la République à la ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, 11 juillet 2007.
3. OSEO, « Rapport 2006 sur l’évolution des PME ».
4. INSEE Première n° 1.128, mars 2007.
5. Cette étude, commandée par la Commission européenne, se fonde avant tout sur les marchés passés via TED (« Tender Electronic Daily »), « SME’s access to public procurement », European Commission / EIM, 2004.

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